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Marie-Léonie Pittet a pris le chemin du Ciel

Marie-Léonie Pittet a pris le chemin du Ciel dimanche 15 décembre. Un témoignage fort pour situer le parcours de notre soeur, en Tunisie, en Algérie et en Suisse. Par Christelle Devanthéry, de Neuchâtel.

"J’ai rencontré Sr Marie-Léonie lorsque j’avais 20 ans. J’étais partie avec Voyage-Partage en Tunisie et j’ai vécu avec elle dans la communauté des Sœurs Blanches à la Marsa pendant 6 mois. Jeune et enthousiaste, j’avais des idéaux à revendre et une foi très exigeante qui recherchait ardemment une cohérence avec la vie quotidienne, qui revendiquait aussi une justice évangélique à tous les niveaux de la société, y compris politique...

Pendant de longues soirées, nous devisions sur la théologie, le monde, l’Afrique. Elle m’a écoutée, elle a partagé sa vision intime de la foi, elle m’a m’enseigné les nuances de l’engagement missionnaire et la beauté de la liturgie. Nous avons vécu ensemble une année extraordinaire avec la visite de Jean-Paul II en Tunisie, l’assassinat des frères de Thibérine et du bien-aimé Mgr Claverie. Ça a été pour moi un choc énorme, car au cœur de tout cela, se jouait le sens même de la présence missionnaire en Afrique du Nord. Les missionnaires d’Afrique – Pères Blancs et Sœurs Blanches – m’ont marquée à tout jamais par la radicalité de leur engagement : une vie profondément enracinée dans le Christ ; le témoignage par leur vie entièrement donnée à une terre étrangère, sans "blabla" théologique (comme je disais à l’époque !). Une humilité et un respect de la culture des hôtes qui m’ont donné envie de m’incliner… Vous êtes grands. Vous êtes un témoignage du Christ qui se fait l’ami de chacun.

La force de l'amitié

Marie-Léonie, pendant toutes ces années et jusqu’à aujourd’hui, tu as été une grande amie. Pour toi, l’amitié était première. Lorsque tu repris une responsabilité dans VP à ton retour en Suisse, tu as mis tout ton cœur pour accompagner les jeunes qui voulaient partir pour vivre un bout de mission. Tu t’es fait leur amie, tu passais de maisons en maisons pour tisser des liens avec les parents, les frères et sœurs. En eux tu reconnaissais le don du partage, la recherche du sens de la vie, l’enthousiasme de vouloir changer le monde. Tu as offert, dans ces deux dernières décennies, comme dans ta vie de missionnaire en Afrique, le don total de toi-même.

Synode 72

Nos échanges étaient toujours nourris. Tu me disais toujours combien le cœur de ta foi était une personne, Jésus-Christ. Tu me rappelais le Synode 72, qui a été pour toi un grand moment d’Eglise. Nous parlions beaucoup de la Tunisie, de ton amour pour cette culture. Tu étais entourée de gens extraordinaires, et grâce à toi j’ai connu des témoins de la foi qui ont nourri toute ma vie. Mais surtout, tu gardais une attitude intime de chercheuse de Dieu, tu creusais le désir du Seigneur. Ta liberté intérieure te permettait d’accueillir avec un grand respect tout chercheur de Dieu. Ensemble, nous avons discouru des heures sur la liturgie, l’Evangile, l’Eglise, le monde ! Ton intelligence si fine et clairvoyante servait un verbe vif qui en imposait autour de toi. Bien des fois, j’ai admiré ton autorité naturelle.

Marie-Léonie, tu avais quand même un sacré caractère, tes sœurs en savent sûrement quelque chose. Une exigence impétueuse t’habitait et elle s’exprimait dans tous les domaines. Tu étais heureuse de me montrer le dernier foulard qui s’accordait avec ton chemisier et tu admirais les gens soignés. En liturgie bien sûr, où le texte, les fleurs, l’icône, les chants et l’attitude devait concourir à la beauté du message du Christ. Cette rigueur te faisait vivre, car elle était garante du sens pour toi. Tu étais très sensible aussi à l’harmonie de la musique ; combien de fois ne m’as-tu pas parlé du Messie de Händel expliqué par ton ami Gaston ! La beauté te transportait : un beau paysage, des fleurs que tu photographiais, un chant comme celui du pâtre de l’abbé Pierre Kaelin … : tout était prétexte à célébrer l’harmonie du monde et à la partager avec d’autres. Je pense aussi au chant : « Ô visage de Jésus-Christ » de l’abbé Kaelin, que nous avons écouté ces dernières années dans ta chambre du Schönberg. Tu avais de la peine à comprendre que les autres n’aient pas cette même exigence. Un exemple parmi d’autres : toujours surchargée de mille projets, j’oubliais fréquemment ton anniversaire. Quelques jours après, tu me téléphonais pour me reprocher la carte qui n’était pas arrivée ! C’est vrai que tu n’oubliais jamais le mien.

... Tu as continué ton chemin encore plusieurs années. Tu as rejoint maintenant ton Seigneur, celui pour lequel tu as donné ta vie. Tu es dans sa lumière et tu rayonnes de beauté à ses côtés, j’en suis sûre.

Avec tout mon cœur, je t’exprime une vive reconnaissance pour tout ce que tu nous as donné. Tu as marqué ma vie et je tenterai de continuer à témoigner de ton héritage : beauté, élégance, amitié partagée dans le Christ, Evangile du quotidien.

Sois dans la paix mon amie".

                                                               Le 17.12.2019, Christelle Devanthéry